• Début août – Demeure de Gunther Kessler

    Ce matin-là, Lucrèce s’était installée chez son parrain pour profiter de son accès internet car le branchement n’avait pas encore été fait dans la maison de ses parents. La jeune femme trépignait d’impatience devant la page qu’elle rafraichissait toutes les deux minutes. Son avenir se jouait aux résultats qui allaient apparaître ou non sur le site.

    Chapitre 11 : Troubles

     De l’autre côté, dans le salon, Gunther était tranquillement assis sur le canapé et buvait son thé. De temps en temps, il jetait un coup d’œil vers la porte où derrière se trouvait sa filleule. Il attendait lui aussi.

    Chapitre 11 : Troubles

     Et puis, il y eut un grand cri de joie et Gunther se permit un léger sourire. Lucrèce sortit en trombe de son ancienne chambre et enlaça vivement Gunther qui s’était levé.

    Chapitre 11 : Troubles

    - Je suis admise, je suis admise !

    - Félicitations ma chérie. Mais je n’en doutais aucunement tu sais.

    Gunther l’embrassa légèrement sur la joue et l’invita à s’asseoir sur le canapé à côté de lui. Lucrèce s’exécuta mais la joie qui l’habitait la faisait tressauter sur place. Elle accepta en souriant la tasse de thé que lui servit son parrain. Le regard de Gunther, toujours empreint de fierté, se fit un peu plus grave.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - Je suis vraiment content et fier de toi, Lucrèce. J’espère que ces 7 ans d’études te seront gratifiantes.

    - Je l’espère aussi, Gunther. Mon premier objectif est d’arriver à avoir le diplôme d’aide-vétérinaire dans quatre ans. Ensuite, je verrais.

    - Tu sais aussi que tu vas devoir faire un effort de discrétion quand tu seras à Strasbourg…

    Gunther haussa un sourcil en la regardant et elle se mordit la lèvre. Elle savait que c’était son point faible : elle avait beaucoup de mal à retenir son affinité en présence des animaux, même s’il y avait des êtres humains normaux à proximité. Mais elle sentait tellement de souffrances animales qu’elle ne pouvait s’empêcher de réagir. S’en était suivi dans son enfance quelques scènes pénibles et gênantes dont Gunther avait fait au mieux pour la protéger.

     

    - Je le sais bien Gunther. Mais c’est tellement dur parfois. Je me demande comment faisaient mes parents.

    - En fait, si tes parents sont souvent partis en Afrique, c’est pour cette raison. Car là-bas, ils ont trouvé des personnes qui sont plus enclins à accepter nos particularités qui sortent de l’ordinaire que dans nos pays occidentaux. Et puis, ils étaient un peu plus vieux que toi et plus enclins à l’auto-discipline.

    Lucrèce hocha la tête mais son esprit était ailleurs. A l’énoncer du mot « Afrique », elle s’était tout de suite mise à rêvasser.

    Chapitre 11 : Troubles

    - Dis, Gunther, tu crois que moi aussi je pourrais aller en Afrique ?

    Gunther fixa sévèrement sa filleule du regard.

    - Ne te disperses pas, Lucrèce. Tu es utile ici, à Lenzasen. Pas là-bas. Qu’espères-tu donc y trouver ?

    Une trace de mes parents aurait-elle voulu dire. Mais il n’y avait pas que cela qui trottait dans la tête de la jeune femme. Une autre pensée avait pris son importance depuis bien longtemps. Depuis qu’on avait pressenti son rôle dans la prophétie…

    - Je ne sais pas… Une trace de Gaïa peut-être…

    - Gaïa n’est pas plus en Afrique qu’elle n’est ici. L’Esprit est endormi, tu le sais bien.

    - Arriverons-nous à le réveiller un jour ? Crois-tu que je sois la Mère de celle qui le réveillera ?

    Lucrèce s’était tournée vers Gunther, fébrile. Un désespoir transparaissait dans sa voix et ses lèvres formaient un pli amer.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - En vérité, je n’en sais rien, ma chérie. Ce n’est qu’une légende. Je n’ai jamais vraiment fait confiance aux Augures des jumelles là-dessus. Je préfèrerai que tu te concentres sur autre chose. Et puis, tu n’as peut-être pas de fille, mais tu as un fils, Donatello. Et bien vivant, lui.

    Lucrèce hocha la tête puis se coula dans les bras affectueux de son parrain pour un câlin dont elle avait bien besoin. Elle avait beau être une jeune femme, elle avait toujours autant besoin d’affection. Il lui caressa doucement les cheveux et l’embrassa sur le front, un rituel qui avait pris racine dans son enfance.

    La jeune femme profita un instant de ce moment puis se ressaisit et se leva du canapé.

    - En parlant de Don, il faut que j’y ailles. Aurèle veut travailler au Verger aujourd’hui. Moi, j’en profiterai pour commencer l’inscription à l’Ecole Vétérinaire. C’est fou ce qu’il faut comme paperasse…

    - A propos d’Aurèle… Comment cela se passe avec lui ?

    Chapitre 11 : Troubles

     Lucrèce était arrivée à la porte d’entrée. Elle retourna vers son parrain en fronçant légèrement les sourcils.

    - ça va… Il s’occupe bien de Don et prend son rôle de père à cœur. Plus que je ne le pensais.

    - Mais avec toi je voulais dire…

    - … Ha ! Eh bien, honnêtement, nous avons du mal à reprendre notre relation d’avant, lorsque j’étais à Padoue. En même temps, les enjeux ne sont pas les mêmes…

    - Tu peux encore dire non à cette union. Tu ne dois rien à Macha ni à personne d’autre. Je m’arrangerais avec la Grande-Maître au besoin.

    - Non, Gunther. Ce n’est pas la peine. Cela va aller. Il nous faut juste du temps.

    - Lucrèce, je ne veux que ton bonheur.

    - Je le sais bien Gunther. Mais laisses-nous une chance.

    - Si tu le dis…

    Lucrèce eut une petite moue puis fit un petit geste de la main et sortit de la maison. Gunther poussa un léger soupir et se renfonça dans le canapé. Les Enfants de Gaïa étaient décidément très doués pour saborder leur propre bonheur.

    Un tintement se fit soudain entendre derrière lui. Il se retourna et trouva Audren en train de fouiller dans son frigidaire.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - Audren ! Combien de fois t’ai-je dit d’entrer par la porte comme tout le monde ?

    - Ho, plein de fois, plein de fois. Mais c’est plus drôle de te voir sursauter.

    La petite blonde sortit sa tête du frigidaire et eut un sourire malicieux envers le vieil homme. Puis elle referma la porte, un morceau de gâteau à la main. Gunther fronça les sourcils.

    - Tu sais que tu peux demander avant de te servir…

    Chapitre 11 : Troubles

     

    Audren haussa les épaules en finissant de manger le gâteau et en s’installant tranquillement à côté de lui. Ce n’était pas la première fois qu’il réagissait ainsi vis-à-vis des jumelles mais elles n’en faisaient qu’à leur tête. Gunther remarqua alors qu’Audren ne portait plus son sempiternel costume masculin démodé mais un tee-shirt à motifs et un short de tout ce qu’il y a de plus actuel.

    - Tiens, tu as changé de vêtements ?

    - Ouaip ! Comme nous allons grandir, je me suis dis qu’un petit changement de look ne ferait pas de mal.

    - Ah oui… Au fait, pourquoi es-tu ici ? Certainement pas pour venir manger le gâteau au chocolat que j’avais préparé, hein ?

    - Cela aurait pu. Tu cuisines bien. Aussi bien que Macha.

    - J’ai été à bonne école…. Bon alors ?

    Audren avala sa bouchée puis reporta son regard vers Gunther, un air plus sérieux sur le visage.

    - Tu ne devrais pas essayer de dissuader Lucrèce d’épouser Aurèle, Gunther. Cette union doit être consommée.

    Gunther ne dit rien mais son visage se ferma brusquement.

    - Je ne peux donc rien dire ? Encore une fois ?

    - Tu ne peux pas rendre les gens heureux malgré eux, malgré leur destin, Gunther. Il faut que tu apprennes à lâcher prise à ce sujet.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    Audren le regarda sérieusement, mais une pointe d’inquiétude avait surgi dans son regard. Elle posa sa main sur la sienne en un geste de réconfort. Elle savait combien le vieil homme aspirait à une tranquillité et à une vie sereine après ce qu’il avait vécu étant enfant. Mais pour autant, il ne pouvait pas aller contre ce qui devait être.

    - Cela veut donc dire que Lucrèce ne sera pas heureuse avec Aurèle, c’est cela ? Alors, je m’y oppose sérieusement.

    Audren eut un geste d’agacement.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - Ce n’est pas ça ! Je ne sais pas si Lucrèce sera heureuse avec ce jeune homme. Et pour tout te dire, je m’en fiche un peu. Le bonheur ! Vous n’avez que ce mot à la bouche, vous les humains. Mais c’est si fugace comme sensation, cela ne reste pas. Mais ce que je peux te dire, c’est que Lucrèce doit avoir un autre enfant avec Aurèle…

    - La Source !

    Gunther avait craché ce mot avec dégoût. Mais Audren haussa les épaules, révélant ainsi son incertitude.

    -  On ne sait pas vraiment.  Mais ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il y a un fort  potentiel, un faisceau de possibilités dans le fruit de cette union.

    - Cela fait quand même beaucoup d’incertitude tout cela et vous jouez avec l’avenir de ma filleule.

    - Gunther !

    Audren se rapprocha du vieil homme et lui prit le visage entre les mains.

    - Je t’en prie ! Nous devons au moins essayer ! Ne sens-tu pas qu’il faut agir maintenant ? Gaïa s’est tellement plongée sous la terre que nous ne la sentons plus. Oui. MÊME NOUS ! C’est désastreux pour l’avenir de la planète. NE LE SENS TU PAS ?

    Chapitre 11 : Troubles

    Audren avait crié ses mots et ses yeux étaient remplis de larmes. Gunther sentit que qu’elle était à bout. Et malgré lui, des larmes coulèrent sur ses joues.

    Car lui aussi avait senti le changement. Dans le chant des courants telluriques, dans le murmure des Elémentaires. La biodiversité de la planète était en train de changer en quelque chose d’instable…

    Il posa sa main sur l’épaule de la « petite fille » et la serra fortement.

    - Pardon : J’oublie à chaque fois que vous êtes plus que votre apparence. Et combien l’absence de l’Esprit-Mère vous pèse. Très bien. Qu’il en soit ainsi et que cette union soit célébrée.

     Audren opina de la tête et se blottit dans les bras du vieil homme pour obtenir un peu de réconfort.

    Après le départ d’Audren, Gunther resta un instant songeur puis il alla vers le buffet de son salon et une sortit une Ménorah. Il la posa sur la table basse et l’alluma. Il ferma les yeux et se pencha d’avant en arrière, en un geste mécanique et ancien. Des paroles lointaines et presque oubliées refirent surface au bout de ses lèvres. Gunther priait. Il priait un Dieu lointain. Il priait parce qu’il n’avait plus que ça.

     

    Chapitre 11 : Troubles

    Demeure Steiner – L’après-midi.

    Le soleil caressait le dos d’Aurèle pendant qu’il berçait tendrement son fils. Les grands yeux verts de Don l’observaient avec attention et confiance. A cet instant, Aurèle se sentait heureux. Sa place était là, avec son fils dans les bras.

    Chapitre 11 : Troubles

     Mais cet instant ne dura pas et il reposa tendrement le bébé qui s’endormait doucement. Il resta là un instant à le regarder puis sortit de la chambre. Lucrèce se trouvait en bas, en train de s’occuper des papiers pour son admission à l’Ecole Vétérinaire de Strasbourg. Cela ne lui plaisait toujours pas mais il n’avait aucun choix là-dedans non plus. Sauf à refuser son union avec Lucrèce et il en avait vaguement caressé l’idée. Après tout, son père et lui étaient maintenant citoyens de Lenzasen, son but depuis le début. Mais un reste de conscience avait chassé cette idée. Et puis, Lucrèce était une belle femme, malgré un caractère rigide sur certaines choses, la vie serait quand même agréable à ses côtés, non ?

    Le jeune homme descendit et vint la retrouver au salon. Elle leva la tête vers lui.

    Chapitre 11 : Troubles

    - Il s’est endormi. Il avait juste besoin d’un petit câlin en fait.

    Lucrèce sourit.

    - Tu vois que tu ne te débrouilles pas si mal en tant que père.

    - Ho heu. Oui. Hum, je peux te laisser maintenant ? Je dois retourner au Verger, il y a une tâche que je n’ai pas fini ce matin.

    - Mais bien sûr, Aurèle, pas de soucis. Je n’avais pas l’intention de bouger de la maison cet après-midi.

    - Ok alors. A ce soir.

    Chapitre 11 : Troubles

     Aurèle déposa un léger baiser sur la joue de Lucrèce puis sorti. Dix minutes plus tard, le bus le déposait à l’entrée du Verger. Il resta là un instant, savourant le calme ambiant ainsi que l’énergie de la végétation qui se dégageait alentour. Puis il entra. Il savait qu’à cette heure-ci, il y aurait peu de monde. Le plus souvent, Les Enfants travaillaient les matins avant d’aller à d’autres occupations l’après-midi, tel que le couple Muller qui s’occupait également de la pharmacie-herboristerie de la ville. Cela convenait à Aurèle, cette solitude. Il pouvait ainsi se connecter davantage à son Affinité et sentir le murmure et le bruissement de la végétation entre les paumes de ses mains.

    Le jeune homme se dirigea vers l’entrepôt où étaient stockées les semences qui devaient partir dans d’autres Convents. Il revenait parce qu’il avait oublié de mettre les pousses de bambou dans la caisse en partance pour la Chine. Il avait encore été distrait par les Elémentaires. Il faudrait qu’il fasse attention la prochaine fois. Il ne tenait pas à ce que son travail soit dénigré.

    Il s’émerveillait à chaque fois de l’influence de Lenzasen vis-à-vis des autres Convents. Il ne pensait pas avant de venir ici que son importance était aussi grande et aussi essentielle pour tous les Enfants de Gaïa. Mais, en même temps cette importance était inquiétante : il avait appris, en côtoyant les autres Enfants dans le Verger, qu’il y avait de moins en moins de Convents fonctionnels à travers le globe. Et, de moins en moins d’Enfants de Gaïa avec une Affinité fonctionnelle ou une Affinité tout court. Est-ce que cela était lié au changement climatique, la pollution ou l’éloignement de Gaïa ? Ils n’en savaient rien mais ils continuaient quand même car il n’y avait que cela à faire. Aurèle se demandait jusqu’à quand Lenzasen pourrait supporter cette charge aussi considérable avant de s’effondrer. Mais lui aussi apportait sa part. Parce qu’il était un Enfant qui respectait le Pacte.

    Aurèle prit les pousses de bambous et s’assura que tout était en ordre. Il effleura une feuille et sentit que la plante n’était pas très forte. Il mit sa main sur la tige et ferma les yeux. Son esprit plongea au cœur de la plante et il recalibra quelques cellules végétales afin d’apporter un surcroît de résistance à la plante.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    Voilà l’essentiel de leur travail au Verger : semer, faire pousser et s’assurer que les végétaux soient assez forts et résistants à toutes sortes de contraintes. C’était souvent juste un petit coup de pouce qu’ils donnaient mais cela était d’une importance capitale lorsque ces végétaux étaient plantés dans un écosystème perturbé. Et on pouvait dire qu’actuellement le travail ne manquait pas.

    Une fois qu’Aurèle eut tout vérifié et mis les végétaux dans le container, il passa au potager et s’assura qu’aucune plante n’avait besoin de ses soins.

    Puis, il s’octroya une petite pause dans un coin un peu reculé du Verger. Aurèle n’avait pas envie de rentrer trop tôt à la maison. Il appréciait le calme de l’endroit et la présence des Elémentaires. Cela lui permettait de se ressourcer et également d’être plus en paix avec lui-même.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    Un bruissement soudain à ses côtés lui fit tourner la tête. Une jeune femme brune s’était assise sur le banc et tenait un mouchoir devant sa figure et ses épaules tressautaient à chaque sanglot. Elle sentit alors qu’elle n’était pas seule et tourna la tête vers lui. Elle eut un sursaut en voyant Aurèle.

    - Ho pardon ! Je pensais qu’il n’y avait personne.

    - Il n’y a pas de mal. Voulez-vous que je m’en aille ?

    - Heu.. Ho, non, non. Restez. Je suis désolée que vous me voyiez ainsi. Ce n’est pas mon genre d’habitude.

    - Est-ce que je peux faire quelque chose pour vous ?

    Chapitre 11 : Troubles

     

    La jeune femme resta silencieuse un instant tout en le jaugeant du regard. Aurèle put l’observer tout à loisir. De grands yeux noisette, une bouche pulpeuse qui attirait les baisers, un teint mat, des cheveux noir brillant, une silhouette voluptueuse… Mais une expression très triste sur le visage.

    - Non vous ne pouvez rien faire… Mais, j’oublie tout, je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Amanda Mayf… Amanda Gotshein.

    - Aurèle Lothario !

    - Ha ! Vous êtes le nouveau membre qui vient d’Italie ! Enchantée !

    Amanda se leva pour lui serrer la main, Aurèle fit de même. Au moment où le bout de leurs doigts se touchèrent, ils ressentirent comme une décharge électrique. Ils sursautèrent tout les deux puis se regardèrent. Il y eut comme une évidence, une sensation de retrouver une partie de soi-même, une complétude. Aurèle et Amanda se rapprochèrent sans vraiment réfléchir et s’enlacèrent. Mais au moment où les lèvres d’Aurèle allaient toucher celles de la jeune femme, celle-ci eut un sursaut et se dégagea.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - Non, non ! On ne peut pas ! …  Je suis mariée !

    En disant cela, Amanda porta la main à sa bouche et se mit à pleurer. Aurèle lui tendit la main mais elle se détourna et se mit à courir en direction de l’entrée du Verger. Elle se retourna un instant vers lui, un dernier regard qui fit chavirer le cœur du jeune homme. Puis elle disparut.

    Il resta là, sans mot dire, laissant le bruit léger des abeilles parvenir jusqu’à lui. Et puis, il se ressaisit et se leva non sans avoir donner un coup de pied rageur dans une motte de terre.

    Chapitre 11 : Troubles

     

    - BORDEL !!! Pourquoi maintenant ? !!!


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