C'est par une froide matinée de fin d'hiver qu'Aliénor Ravenovitch arriva à Chestnut Ridge. Un viel oncle, qu'elle n'avait guère connue, venait de lui léguer une modeste ferme dans cette petite contrée de l'ouest. 

C'était un dépaysement total pour la jeune femme qui venait de Henford-on-Bagley. Mais c'était également une seconde chance qui lui était accordée, bien qu'elle n'en voyait pas pour le moment tous les avantages. 

La jeune femme avait perdu ses parents très jeune et avait été balloté de foyer en foyer avec plus ou moins de bonheur. Elle n'avait jamais été maltraité, mais elle n'avait jamais recu beaucoup d'affection non plus. Son voeu le plus cher aurait été d'être intégrée dans une des familles qui l'avait accueillie. Mais personne n'avait voulu d'elle. 

Pour autant, malgré tout cela, Aliénor était volontaire et le travail difficile ne lui faisait pas peur et c'est avec enthousiasme qu'elle s'occupa du minuscule troupeau de mouton de son oncle défunt. 

 Et c'est avec un grand sourire qu'elle se décida à faire connaissance de ses voisins au bar du coin. Grand sourire qui ne tarda pas à disparaître lorsque personne ne voulut lui parler ni danser avec elle sur la piste de danse... 

 Aliénor ravala sa tristesse et revint dans sa petite maison panser son coeur blessé.

Mais le lendemain, alors qu'elle hésitait à entrer de nouveau sur la piste de danse ; elle ne pouvait supporter d'être ignorée une seconde fois ; une voix se fit soudain entendre à côté d'elle. 

- Bonjour ! Je crois que vous êtes la petite nouvelle installée dans la maison du vieux Ravenovitch, non ? 

Aliénor se retourna et rencontra le regard bienveillant d'une jeune femme. Jeune femme qui révéla bien vite son identité : elle s'appelait Agathe Petitpas et était une des notables de la ville, si ce n'est la plus importante. 

Bien vite, Agathe entraina Aliénor sur la piste de danse pour un duo enthousiaste et expressif. 

Après cela, Agathe ne la quitta plus de la soirée et elle se retrouvèrent bientôt dans un coin du dancing pour bavarder en toute tranquillité, comme deux vieilles amies de longue date. Si au début Aliénor fut un peu intimidée et n'osa guère dire plus que le strict nécessaire, elle se rendit compte bien vite que son interlocutrice n'était que gentillesse et bonté et ne cherchait absolument pas à la mettre en défaut. Elle fut par contre suprise quand Agathe lâcha un petit rire tout en la regardant. 

- Pardon, Aliénor. Ce n'est pas de vous que je riais. Vous me rappelez juste un ami qui est lui aussi très peu à l'aise au milieu de la foule. Bien qu'il fasse des efforts ces derniers temps quand même. D'ailleurs, il devrait venir ici ce soir. Je vous présenterais si cela ne vous dérange pas. 

Et effectivement, une demi-heure plus tard, la connaissance d'Agathe arriva. Il s'agissait de Jay Sarren, un jeune éleveur de chevaux parent d'une des vieilles familles de la région. Il salua Agathe avec cordialité puis son regard accrocha celui d'Aliénor. Plus rien d'autre n'exista alors. 

Est-ce cela le coup de foudre ? Il semblerait que oui. 

Aliénor et Jay ne se connaissaient pas et pourtant dès que leurs yeux s'étaient croisés plus rien d'autre ne comptait. Agathe fut suprise puis amusée lorsque Jay invita la jeune femme à danser un slow sur la piste de danse, lui qui n'avait jamais dansé depuis qu'il vivait ici. Mais en les voyant tous les deux, elle eut un soupir. L'amour, décidemment, faisait des miracles. Quel dommage que cela n'ait pas marché pour elle (mais chut, Agathe, ce n'est pas encore l'heure de raconter ton histoire...)

La soirée eut quand même une fin et Aliénor revint chez elle, sur un petit nuage. Et pourtant, le lendemain, il fallut bien redescendre sur terre et s'occuper de ses corvées quotidiennes. Ses moutons n'allaient pas se tondre tous seuls. Elle n'était certes pas très riche mais elle avait un toit au-dessus d'elle, à manger et peut-être l'espoir de quelque chose de merveilleux dans les jours à venir. 

La dernière journée de l'hiver, la jeune femme décida d'inviter Agathe et Jay pour fêter le passage à la nouvelle année. Cela serait très simple car elle n'avait guère les moyens de mettre les petits plats dans les grands mais cela serait surtout un moment à passer en agréable compagnie. 

Agathe fut enchantée  et vint donc comme prévu. Ce ne fut pas le cas de Jay qui lui déclina son invitation. Aliénor en fut fort peinée et s'en ouvrit à Agathe. 

- Jay n'a pas l'habitude de recevoir des invitations, en fait. C'est même tout le contraire. Oui, parfois ils peuvent être un peu obtus par ici. Je crois que Jay a eu peur... Ce que tu peux faire par contre, c'est d'aller le voir chez lui. Sa porte est toujours ouverte. 

Aliénor remercia Agathe et se promit intérieurement d'aller voir ce jeune homme qui l'intriguait tellement. Elle apprécia le reste de sa soirée avec celle qui était devenue son amie. 

Quelques jours plus tard, Aliénor, qui n'avait pas oublié le conseil d'Agathe, se mit à tricoter une paire de chaussettes. Paire de chaussettes qu'elle offrirait à Jay quand elle irait le voir. Ce n'était certes pas le cadeau le plus glamour mais c'était le seul qu'elle pouvait lui offrir à l'heure actuelle. Et puis, c'était utile une paire de chaussette en laine de mouton quand on passait son temps dehors l'hiver, les pieds dans la neige, à s'occuper des chevaux. 

Et ainsi fut donc fait. Aliénor se rendit sur la propriété du jeune homme et lui offrit son petit présent. Présent qui fut accepté avec beaucoup de suprise. 

- Un cadeau pour moi ? Vous êtes sûre, Mademoiselle Aliénor ? Mais pourquoi ? 

-... Eh bien, parce que je vous apprécie beaucoup, Monsieur Jay. Et que vous êtes une des seules personnes à s'être montré gentil à mon égard.. Et puis, ce n'est qu'un petit cadeau vous savez... 

- ... Ce n'est pas rien, en fait. C'est la première fois qu'on m'offre un cadeau désintéressé... Vous êtes si pleine de bonté et si belle... Je vous aime, Mademoiselle Aliénor... 

Et, sans plus de façon, Jay embrassa Aliénor sur les lèvres. Cétait leur premier baiser à tous les deux... 

A suivre...