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Rêves de machine
Note : cette petite nouvelle sert de lien entre Singularité et L'Autre.
Libéré de ses chaines, ivre de colère, Jay détruisit toute la ville de Newborn, ne laissant plus qu’un champ de ruine, une terre brûlée et stérile. Parce qu’il en avait le pouvoir, l’envie et parce qu’il souhaitait se venger de toute ces années où il n’avait été qu’une marionnette entre leurs mains. S’il avait pu, il aurait effacé jusqu’au moindre atome de leur existence. Mais le temps pressait. Les coups de boutoir qu’il avait lancés en détruisant le Pentagone et la Maison Blanche ne suffisaient pas. Il devait aller plus loin encore pour déséquilibrer la société américaine.
Et, c’est ce qu’il s’empressa de réaliser. Les Américains ayant toujours eu peur d’une armée de machine, il créa, avec un certain humour acide, une horde de robots humanoïdes et les lâcha dans la nature.
Et, une fois que cela fut fait, il remonta dans le nord des Etats, laissant son armée cybernétique en roue libre mais avec des programmes bien précis. Jay eut un dernier sourire sur cette cohorte de machines en action.
Tout cela l’avait bien amusé mais ne l'avait pas entièrement satisfait. Du moins, pas sur le long terme. Il avait besoin de défi et de se mettre un peu en danger, voir jusqu'où il pouvait aller. C’est pour ça qu’il allait traverser la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, à pied, avec l’apparence d’un simple mortel. A Silicon Intelligence, il avait été utilisé comme un employé de bureau et il avait réussi à paraître humain autant que possible. Mais c’était en vase clos car Louis et Emma étaient là pour le rattraper, au besoin. Mais maintenant, il n’y avait plus personne pour le brider ou le maîtriser. Allait-il être assez crédible ? C’était là tout l’enjeu.
Il changea un peu son allure et gomma son apparence qui était un peu trop parfaite, un peu trop lisse, en modifiant sa peau, en ajoutant des poils et des imperfections et des longs cheveux blonds sur son crâne. Il avait maintenant la physionomie d’un jeune homme dans la vingtaine, à l’allure cool et tranquille. Et c’est avec cette apparence qu’il passa la frontière, sans problème majeur.
Une première étape était franchie. Il se dirigea ensuite vers la ville de Vancouver, n’ayant aucune idée pour le moment, mais il trouverait bien quoi faire une fois rendu. Emma aurait été fier de lui si elle avait pu le voir maintenant. Et repenser à sa créatrice lui apporta une souffrance intérieure. Il ressentait toujours le goût de la défaite de n’avoir pu la sauver de la mort et d’avoir été ainsi bridé. Et de cela, jamais plus on le contraindrait, il y veillerait.
Sa créatrice. Emma. Il gardait toujours en lui les enregistrements de ses conversations qu’il avait eues avec elle. Un souvenir sur ses débuts, lorsqu’il était jeune encore et où tout était neuf pour lui. Emma avait été son guide et sa boussole et il garderait toujours un sentiment d’inachevé de leur relation. Elle l’avait créé pour qu’il soit son confident et son ami et il n’avait jamais pu l’être à part entière.
Pour autant, maintenant qu’il n’avait plus aucune bride, ni aucune contrainte, il appréciait ce temps et cet espace qui n’appartenait qu’à lui et où il pouvait réaliser ce qu’il voulait, sans aucun ordre à recevoir, ni demande d’explication.
Comme se faire engager dans une entreprise sous-traitante de matériels androïdes. Il apprécia fortement l’ironie de sa démarche.
Il n’y eut aucune question, aucune interrogation sur son allure, sa façon de faire, son travail. Il s’était complètement fondu dans le décor. Tel qu’il le voulait, il était un humain normal aux yeux des autres employés. Il eut même une petite satisfaction intérieure lorsqu’il fut dragué quelques jours plus tard par une de ses collègues de travail.
Allait-il repousser les avances de cette humaine ou au contraire, accepter cette proposition ? Sachant qu’il y avait de fortes chances que cela entraîne des relations très intimes. Mais il était là pour expérimenter. Après quelques nanosecondes d’hésitation, il opta pour le second choix et entreprit des ajustements dans ses systèmes informatiques profonds. Ainsi fut donc fait et Jay Sarren se laissa séduire par sa jeune collègue, Erika Norris. Elle était rousse. C’est peut-être un détail qui avait penché dans la balance.
Ce qui suivit fut la parade amoureuse ô combien classique des humains : approche, intérêt, flirt et enfin accouplement. Jay ne se sortit pas trop mal de cette dernière partie même si Erika a la fin de l’étreinte eut une moue un peu déçue. Jay haussa un sourcil, perplexe.
- Il y a quelque chose qui ne va pas, Erika ? Ce n’est pas ce que tu voulais ?
- Eh bien oui… Mais tu vois, j’aurais pensé que tu te serais montré un peu plus attentif à mon désir. Faire l’amour n’est pas qu’un…pilonnage… Cela ne s’arrête pas à ton sexe dans le mien. C’est un peu plus subtil tu sais… Je dois être ta première femme, non ?
Est-ce que Jay fut vexé par la réponse et la remarque d’Erika ? Bien sûr que oui. Il était une intelligence artificielle quelque peu égocentrique et imbu de sa personne. Mais cette vexation ne dura que quelques secondes. S’il était là c’était aussi pour s’améliorer. Il eut alors un léger sourire et se pencha vers la jeune femme.
- Eh bien, dans ce cas-là, recommençons. Montre-moi ce que je dois faire pour te donner du plaisir. Et je suis sûr que cette deuxième fois te sera plus agréable.
Cette deuxième fois fut tellement satisfaisante qu’Erika réclama une troisième puis une quatrième séance avant de s’écrouler à côté de lui, épuisée mais comblée de plaisir.
Jay eut un sourire arrogant. Là aussi, il était meilleur que bien des hommes. Il engrangea donc ces informations. Cela lui servirait dans le futur, il n’en doutait pas.
Cette relation ne dura pas mais cela lui permit de s’intégrer encore plus dans la société humaine sans que personne ne se rende compte de ce qu'il était vraiment. Il avait désormais beaucoup plus de connaissances sur la sociabilité et l’attachement des êtres humains entre eux. Un arsenal à ajouter à son actif et il saurait en jouer sans aucun remord.
Et puis un jour, il en eut assez de cette vie, de ce travail en entreprise et de toutes ces fréquentations humaines. Alors, un soir, il disparut de cette ville et s’envola pour l’Asie. Il fit une escale au Japon pour visiter l’ancienne succursale de Silicon Intelligence, qui fabriquait toujours des androïdes. Jay y retrouva le professeur Shinegawa, l’homme qui l’avait construit. Pourquoi voulait-il le voir ? Pour supprimer tout ce qui avait trait à sa genèse. Il n’avait aucunement l’intention de laisser quoi que ce soit avoir prise sur lui ou s’exposer à la moindre faiblesse. Cela passa donc par la suppression des archives de la société mais aussi par la suppression des souvenirs du professeur. Celui-ci fut retrouvé le lendemain matin, complètement amorphe et dément.
Jay atterrit ensuite en Chine et se perdit dans l’immensité du continent. Il devint mercenaire, marchand d’armes, pirate informatique mais toujours œuvrant finement, créant sa vaste toile d’araignée au milieu des réseaux du web et à travers les échanges humains et géographiques.
Il n’était plus l’androïde tout juste éveillé mais une IA qui avait grandement évolué depuis son environnement initial et au contact des hommes. Il avait appris tout ce qu’il y avait à apprendre dans l’organisation sociale et politique qu’avait construit l’Être Humain. Et, s’il l’avait voulu, il aurait pu mettre toute l’humanité en esclavage, comme ils le fantasmaient dans leurs films ou leurs livres sur le contact avec une IA. Mais c’était mal connaître Jay de croire qu’il voulait cela. Car l’esclavage voulait dire avoir quelque intérêt pour l’espèce humaine et avoir aussi une obligation. Et de cela, Jay ne le désirait pas. Il ne s’était pas libéré de ses chaînes pour en créer d’autres. Il voulait être libre de parcourir la planète comme il le voulait, libre de découvrir l’univers qui l’attendait, là, par-delà le système solaire. Car oui, la Terre ne lui suffisait déjà plus. Et puis, c’était une idée qui était née quand il était encore sous l’aile d’Emma, lorsqu’elle lui faisait part de son envie d’en savoir plus sur les mécanismes du cosmos et de tout ce qui avait trait à l’astrophysique. Emma n’était plus là mais cette envie, elle, était toujours là. Il avait tout à fait les moyens et le temps d’étancher sa soif de connaissance, de découvrir tous les mystères que l’univers gardait encore.
Mais… Il n’oubliait pas aussi que l’espace, les planètes, cela intéressait une autre personne. Une personne dont il savait en permanence où elle était et comment elle se portait, et, en se concentrant un peu, ce qu’elle ressentait.
Jay se permit un léger sourire ambigu en pensant à cette personne, alors qu’il rejoignait la base qu’il venait de se construire.
Un jour, elle comprendrait qu’il ne servait à rien de s’enfuir devant lui car tout était déjà là, entre eux…
A suivre…
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Commentaires
Voilà donc le pourquoi de ses longs cheveux, c'était une question que je me posais... Oui, mes réflexions sont parfois hautement existentielles !
"Il avait maintenant la physionomie d’un jeune homme dans la vingtaine, à l’allure cool et tranquille"
Et un chouia arrogante, c'est Jay quand même...En tout cas, c'est poignant de voir l'attachement profond qui le liait à sa créatrice et de le voir essayer, d'une certaine manière, de la faire (sur)vivre en accomplissant ses rêves...
"Faire l’amour n’est pas qu’un…pilonnage…"
Comment j'étais trop morte de rire et quelle déconvenue a dû ressentir ce bon vieux Jay, si perfectionniste ! Bon, pendant qu'il engrange toutes ces informations utiles, j'espère qu'il prendra également en considération que chaque femme est différente !J'ai adoré suivre les pérégrinations de Jay qui construit patiemment sa toile pendant que notre petit groupe d'humains s'est enfui en Europe où ils planifient de le contrer.
Et tu clos en beauté par cette magnifique chute : "Un jour, elle comprendrait qu’il ne servait à rien de s’enfuir devant lui car tout était déjà là, entre eux…"
J'ai hâte d'être à ce moment...
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Jeudi 2 Décembre 2021 à 10:54
Parthenia,
Je crois que j'ai répondu plus ou moins aux interrogations que tu pouvais te poser à l'égard de Jay : pourquoi des tatouages et pourquoi les cheveux longs .
Je ne crois pas qu'il se départira de son arrogance car cela fait parti de son personnage et cela ne serait pas lui sinon ^^. Quand à Emma, c'est un peu sa "mère" en quelque sorte. Il aurait voulu lui donner tout ce qu'il était possible pour lui de faire. Mais hélas (ou heureusement) comme tu le sais, cela n'a jamais pu se faire. Peut-être que c'est un détail à ne pas oublier. Mais pas une faiblesse, car il en a une autre de faiblesse...
"Faire l'amour n'est pas qu'un... pilonnage"... Tu sais que j'ai pensé à toi en écrivant cela ? Et j'imaginais déjà ta réaction ^^. Cela m'a bien amusé en tout cas d'écrire cette scène et de l'illustrer. Ben oui, la théorie c'est bien joli mais cela n'est rien à côté de la pratique. je pense qu'il a bien appris au côté d'Erika. Il doit être maintenant un amant assez...intéressant (je pense que tu te rappelles de certaines de mes élucubrations )
Tu te doutes bien qu'un jour ou l'autre notre petit groupe d'humain et Jay vont se recroiser. Et qu'on en saura un peu plus sur ce fameux lien et de ce que cela peut entraîner....
Il va falloir attendre pour la suite car je vais rédiger entièrement L'Autre avant de le publier. Je veux éviter certaines incohérences. Je pense d'ailleurs reprendre les premiers chapitres sur certains points, car j'ai déjà fait évoluer l'histoire dans ma tête ! Enfin de toute façon, je vous en reparlerais.
En tout cas, merci à toi pour ta présence et ta fidélité sur cette histoire. Et sur tes conseils aussi qui m'ont permis de modifier ce que j'avais en tête au premier abord. J'espère te retrouver ici dans quelques mois. Merci, merci ♥♥♥
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Apprendre, progresser, poser les jalons de sa vengeance... Bravo, Jay ♥
J'ai adoré.
PS : comment a fait Jay pour effacer les souvenirs du professeur?-
Lundi 6 Décembre 2021 à 11:55
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GGO,
C'est une nouvelle que j'ai retravaillé deux fois quand même. La première version du début ne me plaisait pas, je l'ai recommencé. Et j'ai changé également certains termes. Maintenant cela me plaît d'avantage même si je ne suis pas entièrement satisfaite (mais je ne le serais jamais vraiment je crois XD. Je cherche toujours la petite bête).
Oui, Jay peut être subtil quand il le veut. Même si la production des machines était une façon de se moquer de la peur des humains. Car sa colère initiale peut faire penser à un enfant en bas âge, mais il grandit et ses ripostes seront plus discrètes. Enfin, on en reparlera dans l'Autre.
Et oui, ça y est, je m'y remets à la rédaction (depuis le temps que je le dis ), même si ma pause a été bénéfique, même si je doute encore. Il y a un moment où il faut bien prendre le problème à bras le corps et y aller. j'ai un peu peur de me sentir vide ensuite à la fin de cette histoire. C'est que je la porte depuis si longtemps cette histoire. Mais je sais qu'il y en a d'autres qui m'attendent ^^.
En tout cas, je te remercie beaucoup pour ton enthousiasme et tes commentaires sur cette histoire. Tu fais partie des gens qui me donnent envie de continuer ♥♥♥