-
Le nom de la Lune
Il était une fois une princesse. Une princesse qui se nommait Danse-de-Lune.
Danse-de-Lune était la troisième fille du Roi de l'Ouest. Elle était très gracieuse, d'une pâleur idéale et dotée de longs cheveux noirs qui avaient comme particularité, en leur sombre écrin, d'accueillir une mèche d'un blanc le plus pur. Mais, la demoiselle avait le caractère glacial et ne supportait pas la foule des courtisans qui se pressait à la Cour de son père. De ce fait, peu de gens ne venaient lui faire la cour.
Le temps passa. A l'aube de ses vingt et un printemps, ses deux sœurs étaient mariées depuis longtemps et connaissaient les joies de la maternité, tandis qu'elle-même glissait dans le voile de sa morgue lunaire, sans sentiment ni affection, glaciale, icône solitaire. Ses parents s’en inquiétèrent. Le Roi voulut la fiancer aux princes de quelques petits royaumes voisins. Mais les pères de ces mêmes princes en voyant ce morceau de femme glacée n’en voulurent point.
Danse-de-Lune se retrouva donc sans fiancé. Cela ne l’émut guère. Et elle se lova encore plus dans sa solitude glacée.
Un jour, elle étonna ses parents en leur disant qu’elle voulait faire un petit pèlerinage, une retraite quelque temps loin de la cour. Elle voulait aller visiter l’Ermitage du Lac des Ombres. Ses parents se récrièrent : on disait que le Lac des Ombres était hanté et qu’il s’y passait des choses étranges. Ce n’était pas l’endroit idéal pour une jeune princesse. Il y avait d’autres ermitages plus intéressants dans les Plaines. Mais, Danse-de-Lune resta sur sa position. Elle avait dit qu’elle irait au Lac des Ombres et cela se passerait ainsi. Le sujet était clos.
On prépara donc les bagages et le transport pour la princesse. Les serviteurs qui devaient l’accompagner montrèrent une face sinistre. Mais à cette époque comme à toute autre, le petit peuple obéissait.
Et donc, lorsque la lune commença à décroitre, Danse-de-Lune entama son pèlerinage. La jeune femme s’accorda même un mince sourire une fois qu’elle eut quitté l’enceinte du Palais. Elle décida de suivre un chemin moins orthodoxe que prévu. Sa petite caravane passa par les chemins, traversant des minuscules villages où les habitants sortaient de chez eux et regardaient avec de grands yeux ronds passer cet étrange équipage. Ils n’avaient point l’habitude de voir des nobles, et qui plus est de sang royal, s’aventurer jusqu’à leur modeste bourg. Mais, Danse-de-Lune aimait à ne pas suivre les idées ou les chemins des autres. Son voyage lui prit trois jours car elle insista pour s’arrêter à chaque petit sanctuaire villageois afin d’y faire une prière. Enfin, ils arrivèrent au Lac des Ombres et à son Ermitage. Ermitage qui n’était habité que par quelques vieux moines. Le lieu avait tellement sinistre réputation qu’il n’y avait guère de personnes qui venait les voir. Les moines eurent donc un peu de mal à accueillir comme il se devait la princesse. Mais la jeune femme s’en moqua un peu. Elle fut tout de suite fascinée par le paysage qui se trouvait en contrebas du sanctuaire. Le Lac des Ombres. Vaste étendue d’eau nichée au creux des montagnes. Surface d’un bleu profond où l’on voyait passer quelques silhouettes. D’où son nom. Et aussi, par le fait, qu’apparemment, les créatures surnaturelles y venaient de temps en temps.
Danse-de Lune les vit lors de la troisième nuit où elle s’aventurait près du lac. Elle aimait ces moments de solitude où tout le monde dormait. Mais ce soir-là, d’autres êtres vinrent se promener au bord de l’eau. Des êtres qui brillaient dans le noir, silhouettes longilignes et aux yeux d’obsidienne, totalement non-humains. Un être s’aperçu de la présence de Danse-de-Lune et s’approcha d’elle. C’était un homme tout vêtu de noir où semblaient briller de minuscules étoiles. Il avait une crinière blanche qui lui descendait jusqu’en bas des reins. Il sourit à la princesse.
« Belle Dame, que faites-vous donc ici en cette nuit de presque nouvelle lune ?»
Danse-de-Lune, après un bref moment de silence du fait de sa stupeur et d’un peu de peur, se ressaisit et donna l’ébauche d’un sourire à l’être enchanté.
« Je me promène au bord du lac, Noble Seigneur. La vue est si belle en cette douce nuit.»
L’homme-fée eut un petit rire puis prit la main de Danse-de-Lune et l’emmena vers les autres êtres fantastiques.
« Venez danser avec nous, Belle Dame et savourons ensemble la douceur de cette nuit».
Danse-de-Lune ne put qu’acquiescer, étant entrainée sans pouvoir vraiment résister. Mais, en même temps, la jeune femme était très excitée. Cela était si nouveau et si troublant. Elle dansa donc jusqu’à tard dans la nuit avec les êtres-fées. Puis, l’homme à la chevelure blanche lui reprit la main et la ramena jusqu’au bord du lac.
« Belle Dame, la nuit est presque finie. Je me dois de vous dire au revoir. Puis-je savoir votre prénom ? ».
« Je m’appelle Danse-de-Lune ».
« …Quel beau prénom. Et si approprié. Je me nomme moi-même Eclat d’Etoiles…. Danse-de-Lune, voudriez-vous devenir ma femme ? »
La princesse resta un instant interdite puis eut un bref éclat de rire.
« Allons, Noble Seigneur, vous n’y pensez pas. Nous ne sommes pas de la même race. »
« Cela n’est pas grave… je vous dis à bientôt ».
Eclat d’Etoiles lui embrassa les mains puis disparut dans le brouillard naissant du jour. La jeune princesse resta un instant songeuse puis rentra à l’ermitage où ses gens l’attendaient avec inquiétude. Mais elle ne tint guère compte de leur mise en garde. Et le lendemain soir, elle se retrouva au même endroit que la veille. Le même manège recommença, et l’homme-fée la réinvita dans leur ronde. Et, à la fin, Eclat-d’Etoiles, lui demanda une deuxième fois si elle voulait être sa femme. La princesse déclina à nouveau la demande, avec un soupçon de morgue. Le visage de l’homme-fée s’assombrit un peu mais il resta courtois envers la princesse et s’inclina devant elle avant de disparaître aux premières lueurs de l’aurore.
Danse-de-Lune revint, un peu troublée, dans sa chambre. Si elle avait été plus raisonnable et si elle avait écouté les conseils de ses gens, elle ne serait point retournée une troisième fois au Lac des Ombres. Mais, Danse-de-Lune étant ce qu’elle était, elle retourna donc une troisième nuit et une troisième fois, Eclat-d’Etoiles la raccompagna et lui demanda sa main. Et, une troisième fois, Danse-de-Lune déclina son offre. Alors, le visage de l’être fantastique s’assombrit d’une inquiétante façon et ses yeux brillèrent d’un éclat aussi dur que le diamant.
« Danse-de-Lune ! Tu t’es refusée à moi pour la troisième et dernière fois. Par ton comportement glacial et sans chaleur je te condamne à errer, invisible, à la surface de la terre, et toujours seule. Tu comprendras alors ce qu’est vraiment la solitude… Ton enchantement durera aussi longtemps que je le désire… A moins que tu ne me dises au Solstice d’Hiver, le nom de la Lune… Va maintenant ! »
Eclat-d’Etoiles la toucha du bout du doigt. Un éclair glacial envahit son cœur et elle s’évanouit.
A son réveil, les êtres-fées avaient disparus. Et, elle découvrit avec horreur que plus personne ne pouvait la voir à l’ermitage. Elle était invisible à leurs yeux. Et, quelques jours plus tard, elle vit repartir ses gens, qui avaient essayé en vain de la chercher, en direction du Palais de son père.
Un grand vide se fit en elle quand elle s’aperçu qu’aucun être humain ne pouvait l’apercevoir, l’entendre, la toucher. Elle était seule, absolument seule, sans plus aucun lien avec le reste des être humains.
Alors, commença son errance silencieuse et invisible. Elle vit bien des choses fabuleuses, des endroits fantastiques, des peuples barbares ou cultivés, d’une grande sagesse ou d’une totale ignorance, se retrouvant à écouter bien des secrets dans les loges royales, les alcôves cachées, les cabinets des ministres. Mais, toujours, sans être vue de personne. Danse-de-Lune était totalement seule. Du plus humble humain au plus puissant, personne n’avait conscience de sa présence. Elle retourna même au Palais de ses parents, mais elle n’y resta guère de temps. La souffrance était trop intense.
Au bout d’un an, elle retourna près du Lac des Ombres. Et, à minuit précise, Eclat-d’Etoiles lui réapparut.
« Alors, ma petite princesse, as-tu trouvé le nom de la Lune ? »
« … Non, Seigneur. Je ne l’ai point trouvé… ».
« Alors, ta malédiction continue encore. Reviens dans un an ici me donner le nom de la Lune ».
Et sur ces dernières paroles, il disparut. Danse-de-Lune eut un gémissement puis se releva et repartit donc errer sur la vaste terre. Mais, cette fois-ci, elle n’alla plus voir les humains et se consacra à étudier le règne animal. Pour eux aussi, elle était invisible. Mais elle éprouva un certain réconfort à observer les animaux. Et le temps passa. Danse-de-Lune revint encore une fois au Lac des Ombres. Et de même, Eclat-d’Etoiles revint et lui posa la question où dans sa réponse se trouverait sa délivrance. Mais, encore une fois, la princesse n’avait aucun élément à lui apporter. L’homme-fée eut un air chagrin, lui dit qu’il reviendrait l’année prochaine et disparut.
Danse-de-Lune eut un petit soupir et baissa la tête. Elle était lasse. Elle ne voulait plus voyager. Il y avait sûrement encore des choses fabuleuses, à voir, à découvrir. Sûrement. Mais tout cela était bien fade lorsque l’on était seul et qu’il n’y avait rien à partager. Elle s’assit donc au pied d’un arbre, non loin de l’ermitage et y resta pendant un an, dans un état proche de la torpeur, ses yeux contemplant l’intérieur de son être. Ce fut Eclat-d’Etoiles, l’année révolue, qui la sortit de son état second.
« Ma petite princesse, me revoilà. Avez-vous une réponse à me donner cette année ?"
Danse-de-Lune le regarda un instant sans rien dire. Puis elle s’humecta les lèvres et un son faible sortit de sa bouche.
« … Je crois…oui. Le nom de la Lune est Amour. Car comme la Lune, il est changeant. Tantôt, il croit et décroit, jamais n’est constant… »
La jeune femme regarda l’homme-fée pour savoir si elle avait donné la bonne réponse. Il s’éclaira de la plus belle des façons et ses yeux brillèrent de mille étoiles.
« Belle Dame, vous avez trouvé. Vous êtes libre de votre enchantement. »
Et ainsi fut fait. Danse-de-Lune retrouva sa condition d’humaine. Juste un instant seulement. Car elle accepta la proposition d’Eclat-d’Etoiles de devenir sa compagne.
On peut l’apercevoir, parfois, danser avec son époux, près du Lac des Ombres…
-
Commentaires
Je l'ai d'abord lu sur le forum, je le répète ici: j'ai adoré. J'ai adoré la délicatesse de ta plume pour conter la froideur de la jolie demoiselle, le temps de son invisibilité qui s'étire joliment. C'est juste magnifique. Merci pour ce partage ♥♥
Je l'avoue, je suis totalement en amour sur ce conte^^. Et encore, si je m'écoutais, j'aurai toujours des améliorations à faire sur le texte.
Je suis un peu frustrée dans l'illustration : j'aurai aimé que nous ayons plus d'éléments fantastiques ou de tenues anciennes pour les sims. Et je rêve d'une longue (très longue) chevelure pour les messieurs. Car j'ai encore quelques idées de conte qui me démangent le stylo. lol.
Merci de ton commentaire Eulaline. C'est toujours bien agréable de savoir que des personnes apprécient ce que l'on écrit ♥♥♥